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JEANNE-THÉ FLOC'H REÇOIT l'AERN.

28 janvier 2023 Ancienne / Ancien
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Une publication Alumni École des Roches : www.aern.org - La Maison des Anciens.

Au cours de notre entretien, Jeanne-Thé nous montre l’un de ses premiers album photo, offert par Flore Firino Martell.

JEANNE-THÉ FLOC'H, ICÔNE ET MÉMOIRE DE LA GUICHE*, DU MOULIN ET DE L’ÉCOLE, REÇOIT l'AERN.

En accueillant les filles, la Guichardière a été divisé en deux maisons : la Guiche et les Fougères

 

Jeanne-Thé Floch : « La première qualité d’un chef ou d’une cheffe de maison, est d’écouter. Il faut avoir des oreilles de Bouddha comme le disait mon mari Jean ».

Déjeuner à Juan les Pins chez Jeanne Thé Floc'h, une figure de l’École des Roches. Une icône devrait-on dire ! Le cheveu cendré, le teint frais, et l’œil pétillant, cela fait longtemps qu’elle a oublié son âge. Elle prend un malin plaisir à le maltraiter, par une voix douce et claire, et une conversation au rythme soutenu.

 

Sa mémoire est intacte. Elle rappelle volontiers aux « anciens » de passage, ou au bout du fil, des moments oubliés de leur enfance ou de leur adolescence. Des décennies plus tard, celles qui l’ont eue comme cheffe de maison, la considèrent toujours comme telle, mais aujourd’hui, d’une maison qui n’aurait eu de cesse de s’agrandir avec le temps.

 

Pour un oui ou pour un non « ses filles » comme elle appelle des générations de filles, lui écrivent ou lui téléphonent pour prendre de ses nouvelles, se confier ou l’embrasser. Lui dire qu’elles n’oublieront jamais les années passées à la « Guiche » ou au « Moulin ». Comment les oublier ? La « Floc'h touch » circule toujours et encore, entre la Guiche et le Bat, entre le gymnase et la Prairie, les Pins et le restaurant, le Vallon et les TP, les Coteau Sablons et la salle des fêtes.

 

Après plus de vingt années avec son mari, à « Bien armer pour la vie » des centaines d’étudiantes venues des cinq continents, Jeanne-Thé a choisi de vivre dans le midi, sur les hauteurs de Juan les Pins, pour un repos plus que mérité et avec le souvenir de Jean au quotidien. C’est là, qu’elle nous a reçu, pour témoigner de ses années Rocheuses.

Jeanne-Thé devant la photo de son mari jeune : « J'ai vu Jean pour la première fois à Morlaix quand j'avais dix huit ans. C'était un bel homme qui ressemblait à Jean Marais ».

OM : Quand avez-vous entendu parler de l’École Roches pour la toute première fois ?

J-T F : C’était à Morlaix, ville dont je suis originaire, et où j’ai fait mes études chez les Ursulines, avant d’y enseigner l’anglais. De passage à la bibliothèque, la bibliothécaire me dit qu’elle venait de recevoir un professeur de l’École des Roches, qui lui avait raconté sa vie quotidienne à l’école auprès d’élèves venus d’horizons lointains. J’avoue qu’à l’époque, cela ne m’avait pas plus marquée que cela.

 

OM : Et votre première rencontre avec Jean ?

J-T F : J’ai vu Jean pour la première fois à Morlaix quand j’avais 18 ans, lors d’un dîner chez mes parents. Il était venu avec son frère Yves de Belgique où ils habitaient, pour rendre visite à leur grand-mère. Ça n’a pas été « love at first sight » (le coup de foudre) comme on dit en anglais, mais il était beau gosse, solide, ressemblait à l’époque à Jean Marais. Je l’ai revu par la suite, une ou deux fois, sans qu’il ne se soit rien passé. J’avais eu, je ne te le cache pas, quelques flirts, dont un qui me pressait de l’épouser du jour au lendemain. Mais, une intuition me disait que je devrais apprendre à mieux connaître Jean. Nos familles correspondaient, et je les ai très vite soupçonnées de penser que nous ferions un beau couple.

La preuve en est qu’un soir, mes parents sont allés au cinéma en nous laissant seuls ! Ils savaient que Jean n’aurait rien tenté d’inconvenant. Ensuite, je suis allé lui rendre visite en Belgique, où nous sommes beaucoup sortis, thés dansants, cinémas, promenades. Et un détail me revient en te parlant : chaque fois, que j’ai rencontré un éventuel prétendant à Morlaix, Jean revenait de Belgique, comme pour s’interposer entre lui et moi. Bref, ce qui devait arriver arriva, Jean qui était dans l’armée au Maroc, m’écrit « Je t’aime, et si tu m’aimes aussi, nous pouvons nous marier au Maroc ». Réponse de mes parents, « nous préférons que tu te maries plus près de nous ».

 

Nous nous sommes donc mariés le 6 septembre 1958 au retour de Jean du Maroc, dans la chapelle de l’école Du Mesnil à Dreux où il était devenu enseignant.

 

OM : Comment les Floch sont-ils arrivés aux Roches ?

J-T F : Tu ne le croiras pas, mais certains élèves des Roches étaient passés par l’école du Mesnil. L’aumônier de l’établissement qui était aussi aumônier de l’armée de l’air, connaissait le général Baillif, directeur financier aux Roches, et nous y voyait bien. Peu de temps après, c’est à la suite d’un rendez-vous avec Monsieur Garonne, que Jean est devenu professeur à l’École. Pour ma part j’allais enseigner l’anglais à Verneuil et à l’Aigle.

 

OM : Et comment êtes-vous arrivés à la Guiche ?

J-T F : Nous n’y sommes pas arrivés tout de suite, car Jean n’envisageait pas de diriger une maison de filles. Nous sommes passés par les Pins pour remplacer pendant une semaine les Ruault qui avaient un deuil. Ça a été un moment magique pour nous. Les garçons étaient attentionnés et bien élevés. En 1971, de retour de vacances en Italie, le téléphone sonne et nous entendons : « Ouf, les Floc'h sont de retour ». Il n’y avait personne pour prendre la Guiche au départ des Guisinger. A cette annonce, je suis allée pleurer dans le jardin, car je ne me sentais pas à la hauteur de cette délicate mission. Mais nous ne pouvions pas la refuser.

 

La Guiche, maison de jeunes garçons, devenait une maison de filles. Il a fallu la féminiser. Jean, ma mère qui était en vacances chez nous et moi, avons écumé les magasins pour nous fournir en couvertures, rideaux, moquette, et mobilier. Chacun a mis la main à la pâte, jusqu’à madame Faure Beaulieu qui a aidé mon mari à poser la moquette. Il fallait aussi occulter les fenêtres des douches pour les raisons que tu peux imaginer (rires). Raphaël Boussion nous avait même conseillé de prendre un chien. Le 1er septembre 1971, trente filles se présentaient à la Guiche. Elles avaient chacune d’elles, un petit bouquet de fleur sur leur table de nuit. Je crois qu’elles n’ont jamais remarqué que nous étions épuisés.

 

OM : Les filles sont de plus en plus nombreuses n’est-ce pas ?

J-T F : C’est exact. La seconde année de la Guiche commence par un déchirement. Félix Paillet directeur à l’époque, décide d’accueillir plus de filles, et de répartir les plus jeunes et les terminales, dans une deuxième maison, les Fougères, dirigée par Monsieur et Madame Marmara. J’ai très mal supporté de voir nos filles séparées, et de sentir qu’elles trouvaient profondément injuste cette division, jusqu’à nous le reprocher, alors que nous n’avions pas participé au choix.

 

OM : En reprenant la Guiche, aviez-vous conscience des contraintes que cela impliquait ?

J-T F : Oui, mais il fallait que ça marche. Jean et moi nous nous sommes naturellement répartis les tâches à accomplir.

 

OM : Avec le recul, quelles sont les trois qualités principales d’un chef et d’une cheffe de maison ?

J-T F : La première est d’écouter. Jean disait qu’il fallait avoir des oreilles de Bouddha. Ensuite savoir répondre aux attentes, et expliquer pourquoi certaines choses n’étaient pas possibles. Et sur tous les thèmes : la vie, la vie en communauté, la vie sentimentale, établir la confiance !

 

OM : Vous quittez la Guiche en 1976. Pour quelle vie ?

J-T F : Nous nous sommes reposés à la Chabotière, une maison que nous avions achetée fin des années soixante, non loin de l’École. Jean continuant pourtant à enseigner à l’école et moi à l’Aigle.

 

OM : Et en 1980, coup de théâtre…

J-T F : Félix Paillet nous demande de prendre la direction du Moulin pour quelques jours. Puis jusqu’à Noël. En 1982, Jean voulait prendre une retraite anticipée ce qui n’était pas du goût de la direction qui nous propose après discussion, de rester au Moulin. J’en serai la cheffe de maison, et Jean le chef de maison consort bénévole. Comme tous les chefs de maison enseignaient, j’ai quitté l’Aigle pour enseigner l’anglais aux Roches. Nous y sommes restés jusqu’en 1988. Au début il n’y avait que 12 très jeunes filles, avant d’être trente très vite car beaucoup d’entre elles ne souhaitaient pas passer dans une maison de grande.

 

OM : Votre aventure rocheuse se termine cette année-là ?

J-T F : Oui. Nous sommes partis sur la pointe des pieds. Jean commençait à être fatigué et ne voulait pas que je reste seule dans notre grande maison normande s’il lui arrivait quelque chose. Nous sommes donc partis nous installer à Biot en 2001, avant de rejoindre Juan les Pins où je demeure toujours depuis son départ en 2006.

 

OM : Éprouvez-vous une quelconque nostalgie de vos années aux Roches ?

J-T F : Non je n’éprouve aucune nostalgie. D’abord parce que j’élimine toute pensée désagréable. Ensuite, parce qu’il n’y a pas un jour où je ne reçoive un ou plusieurs coups de téléphone de mes « filles ». Leur visite aussi.

 

OM : Vous n’avez jamais eu d’enfant n’est-ce pas ?

J-T F : Moi ? Mais tu n’y penses pas, j’en ai eu des centaines.

Propos recueillis par Olivier MICHEL (Pins 71-74)




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