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Yves Rioche témoigne du Petit Clos (avril 2012)

24 février 2022 Ancienne / Ancien
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Témoignage d'un Vieux Roc - Yves RIOCHE (Petit - Clos, 1954-1959)
Je vais évoquer ma vie de Rocheux telle que je l'ai vécue au cours des années 1955/1960.

Yves RIOCHE (Petit - Clos, 1954-1959)

Avec Daniel Dollfus, aux 110 ans de l'École le 6 juin 2009

Monsieur Raphaël BOUSSION, décédé en août 1983, père de Jean-Marie, François, Bernard, Nicole, Anne, Chantal, était le chef de la maison du Petit-Clos dans laquelle j'ai passé plus de 5 ans.

Par ailleurs, il était responsable de l'enseignement des langues vivantes aux Roches de 1945 à 1965, en seconde, première, et terminales en français et en anglais..

Il possédait une aisance oratoire qu'il aimait tester presque chaque soir auprès des quatorze pensionnaires du Petit-Clos dans le cadre d'appels d'une durée de 40 à 5 minutes.

Les sujets variaient en relation avec l'actualité politique, économique et diplomatique ou évoquaient la vie et les œuvres d'écrivains, poètes ou philosophes renommés, depuis l'Antiquité jusqu'aux années 1955 1960.

 

Son auteur préféré était Voltaire. Il mettait en exergue la qualité de son écriture, spécifiquement la fluidité de sa prose, l'indépendance de son esprit et sa défense des causes sensibles. Notre chef de maison nous incitait à nous inspirer de son style pour nos dissertations et nos écrits.

M. BOUSSION maîtrisait parfaitement plusieurs langues - le français, l'anglais et l'espagnol - dans lesquelles il avait patiemment constitué une bibliothèque à laquelle il était très attaché.

 

Cet homme avait comme ambition — qu'il ne révélait pas - de succéder à Monsieur Louis GARRONE comme directeur de l'Ecole des Roches.

 

L'abbé Paul COMMAUCHE, aumônier catholique de 1920 à 1962, qui était invité chaque dimanche à déjeuner au Petit-Clos, encensait notre chef de maison en mettant en avant sa carrure, son envergure et tout particulièrement ses exceptionnelles qualités d'orateur. Il l'encourageait à briguer cette responsabilité future...

En 1955-1960, l'abbé COMMAUCHE était un homme très âgé (plus de 85 ans) qui avait subi les deux guerres mondiales comme soldat. Il nous racontait qu'il avait échappé plusieurs fois miraculeusement à la mort. Cette chance qu'il eût de survivre l'avait amené à considérer que seul Dieu avait pu le protéger et il avait embrassé la prêtrise.is is a new Text block. Change the text.

Madame Raphaël BOUSSION s'occupait de quatorze pensionnaires, de ses six enfants et de sa mère. Elle était très active et aidée d'une seule employée de maison qui vivait au Petit-Clos. Elles deux entretenaient le jardin potager et les arbres fruitiers du Petit-Clos.

Une maison sans élèves jouxtait le Petit-Clos. Monsieur FISTER, professeur de mathématiques, et sa femme, professeur de piano-solfège, l'habitaient. Cette maison, aménagée par ce couple, nous paraissait un palais. En effet, une collection impressionnante de statuettes et de sculptures en marbre blanc de Carrare était disposée dans chaque pièce du rez-de-chaussée et rendait la demeure éclatante. A la faveur du vent d'ouest, les notes cristallines du piano de Madame FISTER parvenaient jusqu'à nous, les occupants du Petit-Clos.


En face du Petit-Clos, la maison le Moulin rassemblait une trentaine de tout jeunes enfants.   Bâtiment enjambait la rivière, l'Iton, qui débordait parfois l'hiver. Ses responsables, Monsieur et Madame André AUDOUZE, avaient vécu de très nombreuses années en Indochine. Ils avaient eu la gentillesse de nous donner une conférence qui nous avait passionné sur cette vie en Orient  nous montrant des photos et de belles gravures.


Monsieur Joseph GISSINGER était le chef de maison de la Guichardière, située à 100 mètres du Petit-Clos. Une fois par trimestre, lui et son épouse invitaient tout le Petit-Clos à dîner. A la belle saison, le déjeuner se déroulait sur la très belle pelouse entourée de pins. Nous remarquions que M. GISSINGER faisait des baise-mains prolongés à Madame BOUSSION. Son époux disait de lui : « J'ignore s'il est un gentilhomme ou un gentleman... ».


Le Petit-Clos était éloigné du centre de l'Ecole (presque 1 km de distance) et nous avions recréé avec les maisons proches une petite communauté rocheuse. Physiquement, la voie ferrée reliant Paris-Montparnasse à Granville était une ligne de séparation d'avec l'Ecole.

À cette époque, la cuisine centrale n'existait pas. Aussi, les quatorze élèves prenaient leur repas au Petit-Clos, ce qui les contraignait à effectuer deux allers et retours à pied par jour. La nourriture du Petit-Clos était cuisinée à partir de produits frais du jardin potager et avait bon goût. Le repas du soir était fixé à 18 h 30 — 18 h 45. La conversation amorcée par Raphaël BOUSSION portait sur l'actualité, les spectacles (cinéma, théâtre, l'art, etc.), et amenait ainsi le thème auquel l'appel du soir serait dédié. Notre chef de maison était un érudit !


À l'Ecole des Roches, nous étions les seuls à disposer d'une télévision sur laquelle nous avons pu suivre les mariages d'Ira de FURSTENBERG (21 septembre 1955) et de Grace KELLY (19 avril 1956).

Monsieur Louis GARRONE et sa famille vivaient à la Colline. Professeur de philosophie, il dirigeait l'Ecole de son bureau et y recevait les parents pour les inscriptions des futurs élèves. Son frère, archevêque de Toulouse, venait une fois par an à l'Ecole dire une messe.


Chef de la maison du Vallon, Monsieur Robert de LUPPE, descendant d'une grande famille de l'aristocratie française, se distinguait par son maintien parfait et son raffinement naturel. Il s'avère qu'à côté de mon domicile actuel dans le 7ème arrondissement, se trouve à l'angle du boulevard des Invalides et de la rue Oudinot un magnifique hôtel particulier à colonnade qui appartient depuis plusieurs siècles à sa famille.
Cet hôtel particulier a été restauré récemment. À présent, ce sont ses enfants et ses petits-enfants qui y demeurent et sont donc mes voisins.


J'ai un souvenir ému de Mademoiselle CHOPPIN, professeur de lettres qui, coiffée avec un chignon de cheveux blancs très serré, me donnait des cours d'orthographe. Elle m'incitait à devenir prêtre.

Mais, pour y parvenir, il fallait suivre les cours du Grand Séminaire pendant 4 ans. Je lui faisais remarquer que j'étais faible en orthographe... Elle me rétorquait que je ferais donc le Petit Séminaire et que je serais envoyé comme missionnaire en Afrique Noire !


Pour continuer dans la religion, le Père BARLIER, aumônier catholique, habitait dans l'aumônerie située derrière les Pins. L'hiver, il nous recevait avec une boisson chaude durant l'intermède de 10 h afin de soutenir ces jeunes chrétiens du Petit-Clos qui devaient traverser le plateau par un vent glacial pour retourner déjeuner dans leur maison. Il avait écrit un livre de poèmes « A la recherche du Seigneur » qu'il m'avait dédicacé. C'était un homme d'une grande bonté qui avait un sens fort de son prochain.


Monsieur MAHEUX était le médecin de l'Ecole et aussi le maire de Verneuil-sur-Avre. Il venait déjeuner trois fois par an au Petit-Clos. Il tenait en grande estime Raphaël BOUSSION. Tous deux partageaient le même grand amour de la littérature. À la fin du déjeuner, M. BOUSSION lui prêtait plusieurs livres qu'il emmenait précieusement car il les faisait lire au personnel de la mairie. Lors de l'épidémie de grippe asiatique (1957-1958), presque toute l'Ecole fut malade sauf les élèves du Petit-Clos, car nous étions excentrés par rapport à l'Ecole et donc moins en contact avec les autres.

 Le Père RUER, aumônier catholique de 1954 à 1965, originaire du Sacré-Cœur de Saint Quentin, décédé en 1982, était en admiration devant les buts que je marquais pour gagner les matchs de football, notamment avec des reprises de volée qui prenaient le goal à contrepied.


Pierre RUER aimait infiniment ce sport, mais ne pouvait le pratiquer car, à la fin de la guerre, il avait été victime d'une pneumonie et avait perdu un poumon. Tout sport et tout effort lui étaient interdits. La vie à la campagne était obligatoire pour quelqu'un dans son état de santé.


À propos de mes prouesses de footballeur, Raphaël BOUSSION persiflait en soulignant qu'il était dommage que je ne manie pas les idées aussi bien que le ballon !

Je ne lui ai pas tenu rigueur de son ironie puisque chaque année, lors de la fête de l'Ecole des Roches, je vais me recueillir dans le cimetière de Pullay où lui et son épouse sont inhumés ainsi que Jean-Marie, leur fils ainé, décédé il y a trois ans et qui avait deux ans de plus que moi.

 

Bernard, le dernier-né de la famille, que j'avais connu tout petit et qui habite toujours le Petit Clos, enseigne les Mathématiques à l'Ecole.




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